La réhabilitation des friches industrielles est devenue une priorité dans le cadre des nouvelles orientations d’aménagement du territoire en France, notamment avec la mise en œuvre de la loi ZAN (Zéro Artificialisation Nette). Promulguée en 2021, cette loi vise à limiter l’artificialisation des sols d’ici 2050, imposant ainsi aux collectivités et aux promoteurs de privilégier la reconversion des espaces déjà urbanisés, tels que les friches industrielles, au détriment de nouveaux projets d’aménagement sur des terrains vierges. Ces friches représentent une opportunité considérable pour répondre aux besoins croissants en infrastructures, tout en limitant l’impact environnemental de l’urbanisation. Toutefois, la réhabilitation de ces sites n’est pas sans défis. Chaque projet s’accompagne de risques liés à la dépollution des sols, à la solidité des structures existantes, ainsi qu’aux contraintes techniques et réglementaires.
1. Diagnostic initial et évaluation des risques
La première étape dans tout projet de réhabilitation de friche consiste à réaliser un diagnostic complet du site. Il s’agit d’évaluer l’état des bâtiments existants, de vérifier la stabilité des structures, et surtout, de mesurer les éventuels risques environnementaux, notamment en termes de pollution des sols et de sous-sols. Ce diagnostic permet de définir les actions à entreprendre et d’en prévoir les coûts et délais supplémentaires.
Dans notre projet bordelais, nous avons dû réaliser une campagne de désamiantage et retirer une cuve à fioul, heureusement non percée. Les sondages réalisés sur les terres environnantes ont permis de confirmer qu’aucune contamination n’avait eu lieu. Par ailleurs, un diagnostic structurel des bâtiments a révélé la nécessité de renforcer certaines parties des charpentes métalliques, afin de garantir leur stabilité.
Dans notre projet bordelais, nous avons dû réaliser une campagne de désamiantage et retirer une cuve à fioul, heureusement non percée. Les sondages réalisés sur les terres environnantes ont permis de confirmer qu’aucune contamination n’avait eu lieu. Par ailleurs, un diagnostic structurel des bâtiments a révélé la nécessité de renforcer certaines parties des charpentes métalliques, afin de garantir leur stabilité.
2. Définition du projet et de ses nouveaux usages
Une fois le diagnostic réalisé, il est crucial de définir avec précision les nouveaux usages du site. Cela passe par la consultation des parties prenantes (collectivités, investisseurs, futurs occupants) et par l’étude des possibilités qu’offre le site en termes de capacité d’accueil, de fonctionnalité, et de conformité aux normes actuelles. Les projets de réhabilitation doivent répondre aux besoins contemporains tout en prenant en compte les spécificités du site et les attentes des acteurs locaux.
Les risques ici sont principalement réglementaires et financiers. Un projet mal conçu pourrait se heurter à des contraintes légales (comme le plan local d’urbanisme ou les normes environnementales), engendrant des délais supplémentaires ou des surcoûts imprévus. De plus, des difficultés liées au financement peuvent apparaître, car les coûts d’un projet de réhabilitation peuvent dépasser les prévisions initiales en raison de découvertes imprévues sur le site (structures plus endommagées qu’estimé, pollution cachée, etc.).
Le groupe Saint Gobin s’est positionné sur ce foncier qu’il occupera via sa filiale « Plateforme du Bâtiment » afin de mailler son implantation autour de la métropole Bordelaise (il était déjà présent sur Mérignac et sur les boulevards côté Bègles). Dans un contexte post Covid, il a fallu assurer en permanence la sécurisation de ce vaste site contre les nombreux risques d’intrusions et d’occupation illégale (outre les œuvres éphémères présentées ici en illustration de notre article, le site a été saccagé à de nombreuses reprises, ce qui a mécaniquement fait augmenter les coûts liés au curage et à la démolition). Une fois le besoin du locataire identifié et confirmé par la faisabilité, nous avons adapté le programme à l’existant pour créer un espace de vente dédié aux professionnels, tout en intégrant des zones de stockage et une cour extérieure pour le dépôt de matériaux.
3. Démolition partielle et sécurisation des structures
Cette étape intervient une fois les nouvelles fonctions du site définies. Il est fréquent que certaines parties des bâtiments soient trop endommagées pour être réhabilitées, et doivent être partiellement voire totalement démolis. Dans d’autres cas, les bâtiments peuvent être conservés, mais nécessitent des travaux de consolidation pour garantir leur sécurité et leur durabilité.
Sur ce projet, certaines parties de l’entrepôt (extensions et appentis) ont été démolies, tandis que la structure principale a été conservée après renforcement. La sécurisation de la structure métallique a constitué une priorité pour assurer la pérennité du projet.
4. Dépollution et traitement des sols
Dans de nombreux projets de réhabilitation de friches industrielles, la dépollution des sols est l’une des étapes les plus cruciales. Ces sites ont souvent été le théâtre d’activités polluantes (industrie chimique, métallurgie, textile, etc.) laissant des résidus toxiques comme des métaux lourds, des hydrocarbures, ou des solvants chlorés. Ces contaminations par des substances nocives peuvent constituer un danger pour la santé publique et l’environnement. Les opérations de dépollution des sols sont coûteuses et complexes et peuvent aller jusqu’au retrait des terres polluées et à son remplacement, l’utilisation de barrières imperméables ou des méthodes plus innovantes comme la bioremédiation (dépollution par des plantes ou des micro-organismes).
Le principal risque ici est environnemental. Si la pollution n’est pas correctement identifiée et traitée, elle peut contaminer les nappes phréatiques ou les terrains avoisinants, posant des problèmes sur le long terme.
Dans le cas présent, les enrobés bitumineux n’étaient pas amiantés. C’est un point particulier à vérifier avant l’acquisition d’une friche industrielle, car on rencontre souvent cette contamination sur des sites industriels et logistiques construits entre les années 1950 et 1990. Après avoir réalisé les analyses réglementaires attestant l’absence d’amiante, nous avons piqué l’enrobé périphérique du site afin de sécuriser le foncier d’une intrusion de véhicules.
5. Reconstruction, extension et adaptation des infrastructures
La phase de reconstruction inclut la rénovation des bâtiments conservés, la construction d’extensions si nécessaire, ainsi que l’adaptation des infrastructures (électricité, plomberie, ventilation, etc.) pour répondre aux besoins des nouveaux occupants.
Les risques principaux ici sont techniques et financiers. Les travaux de réhabilitation peuvent se révéler plus complexes que prévu, notamment si des problèmes structurels ou techniques surviennent en cours de chantier. Par ailleurs, les coûts peuvent rapidement augmenter si des ajustements techniques imprévus s’avèrent indispensables.
Le projet a inclus la rénovation complète des façades et de l’enveloppe thermique du bâtiment, avec l’ajout d’une extension entre les deux bâtiments principaux. Ces travaux ont permis de moderniser le site tout en maintenant les structures principales.
Cependant, le preneur a formulé le besoin de stocker du matériel de construction lourd sur plusieurs niveaux de racks, imposant la réalisation d’un nouveau dallage par-dessus l’existant (afin de conserver la charpente) incluant la réalisation de pieux (les friches industrielles sont rarement situées sur des sols porteurs…) afin de garantir la descente de charges utile aux besoins du programme.
6. Mise aux normes et aménagements extérieurs
Une étape incontournable dans la réhabilitation de friches industrielles est la mise aux normes du bâtiment, en termes de sécurité, d’accessibilité et de performance énergétique. Cela inclut aussi bien les installations intérieures (systèmes de chauffage, isolation) que les aménagements extérieurs (voiries, parkings, espaces verts).
Le risque ici est principalement juridique. En cas de non-conformité avec les normes en vigueur (sécurité incendie, accessibilité PMR, etc.), le projet pourrait être retardé ou bloqué par les autorités compétentes. De plus, les coûts liés à la mise aux normes peuvent être importants si des améliorations substantielles sont imposées par l’administration.
Le site de Bordeaux Nord a été conçu pour répondre aux exigences d’un établissement recevant du public (ERP), tout en intégrant une forte dimension environnementale. Dès le départ, notre ambition était claire : répondre au programme tout en améliorant considérablement les performances écologiques du site.
Pour cela, nous avons notamment augmenté les surfaces en pleine terre et végétalisé non seulement les espaces non imperméabilisés, mais aussi les structures métalliques verticales entourant la cour des matériaux. Le projet a également prévu l’installation d’une centrale photovoltaïque de plus de 2 000 m² sur la toiture de l’entrepôt. Ce point mérite une attention particulière, car il a impliqué la gestion de la surcharge créée par les panneaux solaires sur une structure qui n’avait pas été conçue initialement pour supporter un tel poids. Un sujet qui pourrait à lui seul faire l’objet d’un article dédié.
Conclusion
La réhabilitation d’une friche industrielle, en particulier dans le cadre des exigences imposées par la loi ZAN, représente un défi technique, financier et environnemental. Rivage Ingénierie & Construction maitrise les compétences croisées permettant d’y répondre. La transformation d’anciens sites ICPE, comme l’Hôtel des Ventes des Chartrons ou bien la restructuration des anciens entrepôts logistiques d’Heppner sur la zone de frêt de Bruges pour le compte de Distriwatt permet d’illustrer l’expérience acquise ces dernières années.
Comment gérer les contraintes patrimoniales lorsque l’on intervient sur des bâtiments historiques pollués ? Comment minimiser l’impact environnemental des travaux de dépollution tout en respectant les contraintes budgétaires ? La réutilisation de structures existantes, bien que bénéfique en termes de réduction d’empreinte carbone, peut-elle être généralisée sur des bâtiments à l’état très dégradé ? Ces réflexions sont au cœur de notre démarche et chaque nouveau projet nécessite des réponses adaptées, tout en ouvrant la voie à de nouvelles pratiques innovantes dans le domaine de la réhabilitation durable.
Photos ©RIVAGE, ZW/A