Lorsqu’il s’agit d’intervenir sur des bâtiments historiques contaminés par des substances dangereuses telles que l’amiante ou le plomb, les contraintes patrimoniales ajoutent une complexité supplémentaire aux travaux de réhabilitation. En effet, il s’agit non seulement de protéger la santé des travailleurs et des futurs occupants, mais aussi de respecter et de préserver l’intégrité architecturale et historique du bâtiment. À Bordeaux, l’intervention sur le site patrimonial du 4 Quai de Queyries illustre parfaitement ces défis : la restauration d’un bâtiment historique pour en faire un établissement d’enseignement supérieur doit composer avec des contraintes sanitaires et patrimoniales spécifiques.
Le poids du passé : restaurer sans dénaturer
Les bâtiments anciens, souvent classés ou inscrits à l’inventaire du patrimoine, présentent des contraintes importantes en matière de conservation. Ces édifices, comme celui de Bordeaux, sont parfois bâtis avec des matériaux aujourd’hui jugés toxiques. L’amiante, par exemple, était largement utilisée dans la construction du XXe siècle pour ses propriétés ignifuges et isolantes, tandis que le plomb se retrouve dans les peintures et canalisations des édifices plus anciens.
Dans le cas du projet de restauration du bâtiment du Quai de Queyries que nous avons transformé pour installer le campus EDUSERVICES, les autorités architecturales imposent un respect strict des éléments patrimoniaux, comme les façades en pierre, la charpente en bois ou encore les menuiseries d’époque. Toute intervention visant à désamianter ou à retirer le plomb doit être effectuée avec minutie pour ne pas altérer ces éléments. Cela implique souvent des travaux de décontamination plus longs et coûteux, car il faut intervenir sans endommager les parties historiques.
Gestion du risque sanitaire : entre réglementation et innovation
Les travaux sur des bâtiments contaminés sont régis par des réglementations strictes, notamment en ce qui concerne l’amiante et le plomb. En France, les décrets encadrant la protection des travailleurs exposés à ces matériaux imposent des contrôles rigoureux avant, pendant et après les opérations de désamiantage ou de déplombage. Ces travaux, qui sont essentiels pour protéger la santé des ouvriers et des futurs usagers du bâtiment, doivent être réalisés par des entreprises spécialisées, certifiées et équipées de matériels adéquats.
Sur le projet EDUSERVICES, cela signifie que les ouvriers doivent non seulement manipuler les éléments de construction avec précaution, mais aussi travailler dans des conditions sécurisées, souvent en milieux confinés, avec des équipements de protection individuelle (EPI) sophistiqués. Les ouvrages contaminés par des peintures au plomb étaient principalement les poteaux en fonte et les boiseries (menuiseries extérieures, plinthes et boiseries). Les zones contaminées par l’amiante sont hermétiquement scellées (la campagne de désamiantage a permis d’extraire des conduits en fibre-ciment, des enduits et des colles amiantées) , et les matériaux retirés doivent être évacués et traités conformément aux normes en vigueur.
L’innovation technologique joue également un rôle crucial dans ce processus. Par exemple, le recours à des techniques de captation de poussières ou à des machines de découpe dotées de systèmes d’aspiration permet de réduire les risques liés à l’exposition.
Coordination entre préservation du patrimoine et mise aux normes
L’une des grandes difficultés dans la réhabilitation de bâtiments historiques réside dans l’équilibre à trouver entre la préservation des éléments architecturaux d’origine et l’application des normes modernes de sécurité. Dans le cadre du projet de Bordeaux, des modifications techniques ont dû être apportées en cours de chantier pour répondre à des contraintes structurelles et patrimoniales. Le projet initial prévoyait le placage en pierre de certains éléments en métal et des ajustements ont été nécessaires pour respecter la faisabilité technique, tout en s’assurant que ces modifications restent invisibles ou discrètes afin de ne pas dénaturer l’apparence du bâtiment.
La charpente des chais, a dû être déposée afin d’assurer la stabilité des poteaux en fonte pendant les opérations de déplombage, puis stockée et traitée en atelier contre les dommages liés à l’humidité et aux agressions du temps. Cette charpente vieille de plus de 200 ans a pu être restaurée et renforcée afin de recevoir une nouvelle couverture plus légère mais plus moderne : les tuiles de marseille ont laissé place à un revêtement permettant à la fois l’installation de grandes verrières versant Nord pour apporter de la lumière naturelle aux Chais sans augmenter l’apport thermique en été, et des panneaux photovoltaïques versant Sud pour produire de l’électricité in situ et ainsi diminuer les consommations annuelles de l’immeuble.
Ce chantier a rendu nécessaire également l’installation de dispositifs techniques, comme des cheminées de ventilation en inox et des blocs de climatisation, dans le respect du patrimoine, tout en optimisant la gestion des flux d’air et en garantissant une atmosphère saine pour les utilisateurs du futur campus.
Un autre exemple est la restauration des fenêtres et des portes : les menuiseries d’origine sont conservées et restaurées lorsque leur état le permet, sinon elles sont remplacées par des reproductions à l’identique, toujours dans l’esprit du bâtiment historique. Cette approche « sur-mesure » nécessite une expertise spécifique, tant en termes de conservation du patrimoine que de respect des normes sanitaires.
L’importance des acteurs institutionnels et locaux
Les Architectes des Bâtiments de France (ABF) jouent un rôle fondamental dans ce type de projets. Leur mission consiste à s’assurer que les travaux respectent les critères esthétiques et historiques du bâtiment tout en garantissant sa fonctionnalité moderne.
Dans le projet de Bordeaux, des échanges approfondis ont eu lieu avec les ABF pour définir les modalités de restauration, concernant notamment les corniches, les moulures, les cheminées, ainsi que l’usage de matériaux spécifiques pour les façades et les toitures.
Une coordination précise avec l’inspection du travail est également obligatoire afin d’assurer la réalisation des opérations de dépollution conformément aux normes en vigueur (plans de retrait, mesures libératoires, etc.)
Par ailleurs, ces projets s’inscrivent souvent dans des politiques locales plus larges de mise en valeur du patrimoine urbain, en lien avec les enjeux environnementaux. Le recours à des matériaux durables et l’optimisation de l’efficacité énergétique des bâtiments restaurés, comme l’intégration de panneaux photovoltaïques sur certaines toitures, contribuent à leur modernisation tout en respectant leur histoire.
Conclusion
La restauration des bâtiments historiques contaminés pose des défis uniques qui nécessitent une approche intégrée et collaborative entre divers acteurs : architectes, entreprises spécialisées, autorités publiques, et experts du patrimoine. Le projet de campus EDUSERVICES au 4 Quai de Queyries à Bordeaux illustre bien cette dynamique, où les contraintes patrimoniales et les enjeux sanitaires doivent être équilibrés pour préserver à la fois la mémoire des lieux et assurer un cadre de vie sain et fonctionnel pour les générations futures.
Face à des projets complexes de réhabilitation comme celui du campus EDUSERVICES au 4 Quai de Queyries, Rivage Ingénierie et Construction se positionne comme un acteur incontournable. Mais dans ce contexte de restauration de bâtiments historiques contaminés, plusieurs questions émergent : comment conjuguer préservation du patrimoine et respect des normes modernes ? Comment garantir que les interventions, qu’il s’agisse de désamiantage ou de déplombage, ne compromettent pas l’authenticité architecturale du bâtiment ? Comment respecter le budget du maitre d’ouvrage ?
Une autre question cruciale se pose : comment assurer la sécurité incendie dans des bâtiments patrimoniaux tout en respectant les éléments d’époque ? Dans les chantiers historiques, la mise en conformité avec les exigences modernes de sécurité incendie peut impliquer des choix techniques complexes. Est-il possible de restaurer des charpentes ou des plafonds d’époque tout en intégrant des systèmes de protection incendie modernes et discrets ?
Enfin, en vue d’une commission d’ouverture au public, des interrogations surgissent : comment préparer efficacement cette étape décisive ? Quelles solutions innovantes peuvent être mises en place pour répondre aux exigences en matière d’accessibilité et de sécurité sans altérer l’esthétique des lieux ?
Rivage Ingénierie et Construction, fort de son expérience et de son expertise, saura apporter des éclairages essentiels sur ces questions. Ces interrogations, souvent partagées par les maîtres d’ouvrage et les collectivités, ouvrent la voie à de futures réflexions. Dans nos prochains articles, nous reviendrons sur ces défis techniques et patrimoniaux, et sur les réponses apportées par Rivage pour garantir à la fois la sécurité, la conformité réglementaire et la sauvegarde du patrimoine.
Photos ©RIVAGE, ZW/A, Yoris Couegnoux